27 novembre 2009

Hard Candy

Premier film de David Slade (qui enchainera avec le bon 30 jours de nuit), Hard Candy avait surpris au Festival du Film de Sitges en 2005 puis à Deauville pour parvenir à se faire distribuer par Metropolitan : une aubaine pour ce film américain indépendant au budget minime, sans tête d'affiche et tourné seulement en 18 jours.
Le contexte est simple : une jeune adolescente aguicheuse rencontre l'homme avec lequel elle chat sur le net, va chez lui... pour le séquestrer. Brian Nelson signe un scénario huit-clos absolument renversant. Bavard, il brille cependant dans son approche impersonnelle des personnages. Dans sa direction d'acteur, Slade permet à cette virtuosité scénaristique de crever l'écran. Hard Candy devient alors le thriller perturbant que l'on attend : le film met à rude épreuve son spectateur dans le fait de l'inciter de manière purement subjective à être du côté de tel ou tel personnage à tel ou tel moment de l'histoire. Si l'adolescente nous apparait d'abord comme odieuse, la continuité narrative nous oblige à nous demander au bout d'un moment pourquoi nous nous obstinons à défendre un pédophile. En effet, loin des stéréotypes du monstre, Jeff est un homme d'abord attachant et qui nous semble de façon percutante humain jusqu'à la fin. Nous nous sentons obligés de compatir à la souffrance qu'il endure si bien que les différentes fuites que nous propose le récit (Jeff va t-il pouvoir se libérer ?) devient un véritable suspens pour le spectateur qui n'attend - et c'est brillant de sarcasme - que ça.
David Slade renforce le côté oppressant par un cadrage serré (magnifique séquence dans le café au début) et un montage cut aux limites du clip (c'est blindé de faux raccords en tout genre). Ce cadrage permet à la fois de renforcer l'importance psychologique de son film mais aussi de mieux occuper le peu d'espace qui lui est à disposition par les faibles profondeurs de champ dues aux longues focales utilisées. Slade ne s'interdit pas non plus d'expérimenter, notamment avec des travellings circulaires effectuées à deux caméra - l'effet lors de la scène de l'opération est assez particulier - ou des jeux de lumière et donc de couleur (variation dans un même plan pour illustrer l'état d'esprit d'un personnage). Entre chaud et froid selon la trame narrative, la photographie est magnifique et donne réellement l'ambiance du film. L'absence de musique est habile et donne paradoxalement du rythme et de l'intensité aux scènes d'"action".
Hard Candy est un joyaux brut, si bien que l'on peut se demander comment écrire une histoire de cette manière en faisant d'un criminel inhumain un personnage auquel on s'attache car le vrai piégé dans l'histoire c'est bien le spectateur. L'interprétation fabuleuse des acteurs rend d'autant plus cruel ce conte aux faux airs de Chaperon rouge car le loup semble ici agneau. A défaut de blâmer couramment le manichéisme (ça on sait faire), Hard Candy nous prend à contre pied : véritable film oxymore comme l'indique son titre, il pose mine de rien pas mal de questions sur ce que nous sommes - et plus particulièrement sur notre côté "hard" - ainsi que le regard que l'on porte sur le monde. En bref, un premier film hallucinant, tout simplement.


Réalisé par David Slade
Avec Patrick Wilson, Ellen Page, Sandra Oh
Film américain | Durée : 1h43
Date de sortie en France : 27 Septembre 2006

21 novembre 2009

Thirst, ceci est mon sang

Le cinéma coréen a ce don de faire des films de genre qui se démarquent des autres. Park Chan-wook, l'un des plus grands (Old Boy, Lady Vengeance...) reprend ici le mythe du vampire pour en faire un film singulier. Le Nosferatu coréen est ici un prêtre, en quête de vertu, qui sacrifie son corps pour une expérimentation médicale, un vaccin test pour un virus mortel. Le vampire ne se fait pas mordre mais le devient par un geste de bonté et de donation de soi. Transformé en le sauvant du virus par une injection de sang, Sang-hyun bascule de la piété aux tentations du charnelle. Devenu le revers de la médaille, son propre Mr Hyde, commence alors pour ce prêtre un combat contre lui-même.
La légende vampire est donc clairement axée sur sa nature première à savoir le sexuel. La chasteté est ici le moyen d'appuyer sur ce point faisant de Thirst un film sur les pulsions humaines, le vampire qui se cache en chacun de nous, mais reste aussi un film d'un déjanté fou de cinéma qui aime simplement satisfaire l'appétit des fous de cinéma comme lui. Le génie de Park Chan-wook est de parvenir à lier le romantisme à la violence, l'esthétisme au crade et finalement l'expérimental au grand public. Véritable claque visuelle, Thirst est une sorte d'ovni où même les scènes de sexe nous semblent d'un degré défiant toute concurrence, notamment celle dans l'hôpital d'un érotisme qui nous laisse difficilement insensible nous pauvres humains en quête de chaire. Le film est en effet d'une outrance implacable, jusque dans sa durée même (les longueurs). Virulant et en même temps d'une poésie magnifique, Thirst surprend et c'est certainement la richesse du cinéma coréen qui sait véritablement proposer des choses nouvelles. Et pour les non convaincus, parions que la scène finale fera nuancer la chose : véritable travail de scénario (un espace totalement vide avec la plage, une voiture, un soleil qui va se lever, un vampire cherchant la mort l'autre l'éternel : quelles possibilités scénaristiques ?), le film se conclut sur une démonstration de cinéma où les images et le son se mettent à nous parler dans une véritable magie esthétique. Thirst est une curiosité pour les curieux, un vrai film moderne étonnant et reposant pour le cinéma de demain : qu'il se porte tranquille car il ne nous a pas encore tout révélé et c'est tant mieux.


Réalisé par Park Chan-wook
Avec Song Kang-Ho, Kim Ok-vin, Kim Hae-Sook
Film sud-coréen | Durée : 2h13
Date de sortie en France : 30 Septembre 2009

14 novembre 2009

L'Imaginarium du Docteur Parnassus

Le nouveau film fantastique de Terry Gilliam sort enfin. Le réalisateur de la malchance (le projet Don Quichotte, la mort de Heath Ledger en plein tournage...) a connu ces derniers temps quelques difficultés. L'accueil mitigé de ses deux derniers films, Les Frères Grimm et Tideland, commençait sérieusement à l'éloigner du génie né avec Brazil en 1985. L'Imaginarium de Docteur Parnassus vient en quelque sorte rectifier le tir.
Si le film souffre (encore) de quelques longueurs créées par les changements de rythme, (après l'exposition géniale et mystérieuse, la séquence flashback qui vient difficilement s'incruster au milieu du film, un montage un peu bavard ici et là...), une magie se crée dès le premier instant où l'on traverse le fameux miroir. Gilliam veut envoyer son spectateur dans un univers qu'il n'a jamais exploré auparavant. C'est chose réussie : visuellement bluffant, ce "monde imaginaire" émerveille tant par la prouesse technique que par l'incohérence dans laquelle, malgré nous, nous sommes basculés quitte même à ne pas vraiment tout comprendre. C'est clairement le pari du réalisateur : faire un film fantastique familial en s'appropriant lui même les codes. Par exemple, le simple fait de ne pas tout expliquer est déjà un grand risque, chose que généralement le spectateur déteste. Ici, ce film nous apparait comme un voyage dans l'irrationnel et l'on comprend l'inutilité d'explications concrètes et formelles. Terry Gilliam met ce conte merveilleux au service de son art car cette dimension cachée du miroir "reflète" sa propre vision du cinéma de même que pour Cocteau avec Orphée : un cinéma comme un monde parallèle du notre, une machine à rêves qui se nourrit de notre imagination.
L'Imaginarium du Docteur Parnassus est donc un vrai film de partage du cinéaste aux spectateurs. Les acteurs sont bons (mention spéciale à Colin Farrel particulièrement excellent dans sa séquence) et font oublier la retouche scénaristique obligée du film après le malheureux décès de Ledger. Rarement le cinéma nous transporte - ou du moins nous le propose - dans un univers à la fois personnel et qui semble paradoxalement familier. Une vraie réussite pour Terry Gilliam qui avec cet hymne à l'imagination et aux rêves - au cinéma tout simplement en fait - retrouve tout le génie dont il est capable. Si bien qu'un certain Tim Burton et sa prochaine Alice au pays des merveilles trouve un concurrent sérieux dans le genre, car la barre est placée haute. Suite aux prochains épisodes !


Réalisé par Terry Gilliam
Avec Heath Ledger, Johnny Depp, Jude Law
Film français, anglais, canadien | Durée : 2h02
Date de sortie en France : 11 Novembre 2009

2012

Après l'apocalypse dans Le Jour d'après, Roland Emmerich enchaine avec... l'apocalypse dans 2012. Il faut dire qu'il a le blockbuster dans la peau : Independance Day, Godzilla, 10 000... Emmerich aime et produit du gros cinéma, gros mais pas forcément grand. Independance Day est certainement son meilleur à la fois dans l'action - toujours impressionnante pour ça pas de problème - mais aussi dans l'humour ravageur (le duo Smith-Goldblum, ou impossible d'oublier cette scène mémorable dans laquelle un clodo sauve l'humanité toute entière à bord d'un avion de chasse...). Le problème dans le cinéma c'est que le phénomène "grosse tête" ne s'accorde pas qu'aux acteurs people. Ainsi Emmerich, au fur et à mesure, nous épargne son humour pour servir avant tout du spectacle. Avec 2012, mine de rien, le blockbuster franchit une sacrée étape : baser un film de plus de 2h30 sur une absence quasi totale de scénario. La pauvre continuité narrative que l'on y retrouve n'est composée que de clichés : le héros divorcé-toujours-amoureux-délaissé-par-son-fils-qui-prend-modèle-sur-son-extra-beau-papa, la femme divorcée-heureuse-amoureuse-mais-pas-trop-quand-même... Ce n'est ni La Guerre des Mondes, La Nuit au musée ou autres Prédictions, enfin presque. Sans oublier la petite fille mignonne et le grand-petit frère méchant qui vont survivre. Impression de déjà-vu ? Il parait que c'est une invention de notre cerveau...
Evidemment, les effets spéciaux sont énormes. Le travail de la 3D ou du son est impressionnant. Car si Emmerich se moque un peu de notre tronche quant à la nian-niantise (oui j'invente) de son récit, au moins il tient ses promesses. Le public veut du spectacle, ça tombe bien car lui et son équipe ne déconnent pas avec ça. C'est peut-être là que l'on se rend compte de l'intelligence du réalisateur qui a finalement compris ce que le spectateur voulait voir, ce qu'il lui sert sur un plateau d'"argent". Tout le monde prendra finalement son pied : les chercheurs d'adrénaline apocalyptico-grotesque et ceux qui se délectent ironiquement de tant d'absurdité. Si l'on est tous contents, pourquoi s'en attrister alors ? Peut-être car ce 2012 est une nouvelle fois la preuve qu'à défaut de maitriser parfaitement la technique, ce cinéma moderne peine à devenir pertinent tant il devient un produit commercial. La fin du monde fait vendre plus qu'elle n'inquiète vraiment, c'est certainement notre solution à nous... pas sûr que ça, les Mayas l'ait prédis.


Réalisé par Roland Emmerich
Avec John Cusack, Chiwetel Ejiofor, Amanda Peet
Film américain | Durée : 2h40
Date de sortie en France : 11 Novembre 2009

Twitter Delicious Facebook Digg Stumbleupon Favorites More

 
PBTemplates pour le design | Merci de me contacter avant toute utilisation du contenu de ce blog